Avez-vous déjà eu l’impression que vos sprint reviews ne sont plus qu’une simple formalité, un exercice où les avancées de chacun sont présentées sans vraiment questionner l’essentiel ? Où, au lieu de devenir un moment clé pour évaluer et ajuster la trajectoire du projet, on se contente de se rassurer en montrant le travail accompli sous la forme d’une Démo vite accomplie, et en s’auto félicitant des efforts fournis ? Si c’est le cas, l’histoire suivante devrait vous intéresser…
Jean-Luc, Pauline, Thomas… et les autres
Le grand jour est enfin là pour Pauline, nouvelle recrue débordant d’énergie et développeuse full stack aguerrie. On l’a parachutée dans une équipe agile soi-disant en pleine mutation. « Tu vas voir » lui a dit son chef avec un enthousiasme un peu forcé, « l’architecture est complexe, les livraisons, fréquentes, et le site un peu excentrée mais il y a une bonne ambiance, on s’amuse bien, tu va vite prendre tes marques. » Sa mission officielle ? « Apporter du sang neuf ». Sa mission officieuse ? Survivre à Jean-Luc.
Car Jean-Luc n’est pas un Product Owner comme les autres. C’est ce qu’on pourrait appeler avec une certaine ironie un vétéran de l’urgence perpétuelle. Son motto ? « Bouger jusqu’à ce que ça rentre ». Vision produit ? Stratégie ? Pour lui, ce sont des mots réservés aux théoriciens. Jean-Luc préfère l’action – immédiate, celle qui se voit et qui impressionne. Son style de management rappelle étrangement celui d’un bulldozer dans un magasin de porcelaine : efficace pour avancer, moins pour préserver ce qui l’entoure.
La réunion de tous les dangers
Un matin, Pauline ose aborder le sujet de la Sprint Review avec lui. Elle suggère qu’une vraie Sprint Review pourrait aider l’équipe à mieux se synchroniser sur les enjeux stratégiques du projet et échanger autour des objectifs. Jean-Luc éclate de rire : « Les enjeux stratégiques ? Franchement ? Mieux vaut laisser cela à ceux qui réfléchissent non ? Ici on fait du dév, on n’a pas de temps à perdre ! » Pauline reste de marbre, bien décidée à ne pas se laisser intimider, mais elle sent bien qu’il sera difficile de faire passer l’idée.
C’est à ce moment-là que Thomas fait son apparition. Nouveau Scrum Master certifié PSM I, Thomas a le profil du Servant Leader idéal : calme, attentif, et diablement compétent. Il arrive dans l’équipe avec des idées bien précises et une grande habileté pour faciliter la collaboration. Très vite, il capte le malaise qui flotte dans l’équipe et se rapproche de Pauline, curieux de recueillir son ressenti. Pauline voit en lui l’allié dont elle avait besoin, prêt à se battre pour l’agilité là où Jean-Luc érige des murs.
Planète Agile : entre chaos et harmonie
Le premier sprint sous la houlette de Thomas n’est pas sans heurts. Lorsqu’il propose de remplacer la démo expéditive (30 minutes chrono) par une Sprint Review de deux heures, Jean-Luc soupire bruyamment. « Deux heures ? Un vendredi ? T’as vraiment du temps à perdre ! » Thomas reste zen. « On apprend à mieux travailler ensemble, Jean-Luc. Ça vaut bien deux heures. »
Le décor est donc planté mais Thomas maintient le cap. Ce vendredi, la salle se remplit d’un mélange d’attentes et de scepticisme. Dès le début, Thomas insiste pour que la réunion suive une structure bien établie, autour de trois axes :
- Revue des objectifs du sprint. Rappel des engagements pris, indicateurs clés, présentation du burndown chart et analyse des écarts
- Démonstrations des fonctionnalités développées. Focus sur les choix techniques et Sessions de questions-réponses avec les parties prenantes.
- Rétrospective produit. Feedback des utilisateurs et parties prenantes, Ajustement des priorités, Discussion ouverte sur les axes d’amélioration.
Jean-Luc contre le prolétariat numérique
Lorsque Thomas annonce que les développeurs présenteront eux-mêmes leurs réalisations, Jean-Luc ne peut contenir un ricanement qu’il voudrait théâtral. « Sérieusement, faire parler les développeurs ? On est censé s’intéresser à ce qu’ils ont à dire maintenant ? » lance-t-il, s’appropriant d’un revers de main l’effort collectif. « C’est moi qui connais le produit, c’est moi qui sais ce qu’attendent les clients. Les devs n’ont qu’à coder ce qu’on leur demande, point final. » Pauline lève les yeux au ciel, cherchant le fantôme d’Émile Zola pour documenter cette scène surréaliste où le prolétariat numérique tente timidement de faire entendre sa voix. Elle repense à toutes ces réunions où les choix techniques étaient balayés d’un « on n’a pas le temps pour ces détails », où l’expertise de l’équipe était réduite à une simple force de frappe.
Thomas, imperturbable, reprend avec une fermeté tranquille : « La Sprint Review n’est pas un one-man show, Jean-Luc. Ce n’est pas une case à cocher ni un défilé de captures d’écran pour s’auto-congratuler. C’est un moment de reconnaissance et de prise de conscience collective. Chaque ligne de code raconte une histoire, chaque solution technique ouvre des possibilités. Qui mieux que ses auteurs pour en parler ? » L’assistance se fige, partagée entre l’habitude de se taire et l’envie d’y croire. Quelques regards s’éveillent, comme si une fenêtre s’ouvrait soudain dans une pièce depuis trop longtemps confinée. Jean-Luc, lui, reste renfrogné, mais Thomas persévère : « Sans cette intelligence collective, on avance à l’aveugle, et personne n’y gagne. Ni l’équipe, ni le produit, ni les utilisateurs. »
Les développeurs contre-attaquent
C’est Pauline qui, la première, ose briser le plafond de verre. Sa voix, d’abord hésitante, prend progressivement de l’assurance. Elle ne se contente pas de montrer son code – elle raconte l’histoire d’une optimisation qui va bien au-delà de la simple performance technique. Elle parle de scalabilité, d’optimisation, de possibilités futures. Les sourires commencent à émerger chez les parties prenantes, même les plus sceptiques. Dans leurs yeux, on peut lire cette révélation : derrière chaque fonctionnalité se cache un monde de décisions éclairées, de compromis réfléchis, d’opportunités à saisir.
Un à un, ses collègues développeurs emboîtent le pas. La présentation technique se transforme en un dialogue riche, où chaque intervention apporte sa pierre à l’édifice de la compréhension collective. Même Jean-Luc, malgré lui, se surprend à poser des questions qui dépassent le simple « ça marche ou pas ? ». Cette Sprint Review marque un tournant. Pour la première fois, l’équipe technique n’est plus un simple exécutant, mais un partenaire stratégique dans la réussite du produit. La démonstration devient un moment d’échange où la technique et le métier parlent enfin le même langage, celui de la valeur ajoutée.
Et six mois plus tard ?
L’équipe a adopté cette nouvelle approche de la Sprint Review comme un moment clé de son processus agile. Les sprints sont plus cohérents, le code plus réfléchi, et les parties prenantes plus impliquées. Même Jean-Luc admet qu’il préfère maintenant le rôle de chef d’orchestre à celui de chef de gare.
Serait-il possible de faire mieux ?
Absolument ! Une Sprint Review ne doit pas se limiter à une liste de fonctionnalités livrées, mais devenir une histoire engageante qui relie chaque livrable au quotidien de l’utilisateur. L’UX Designer joue ici un rôle clé en utilisant le storytelling pour transformer la présentation.
Prenons Nicolas, responsable commercial. Au lieu de simplement dire que la solution « réduit le temps de préparation des rapports de 50 % », imaginez le jonglant en fin de mois avec des fichiers Excel interminables. Grâce à la nouvelle solution, il génère ses rapports en quelques clics, identifie rapidement les tendances clés et partage des insights clairs avec son équipe.
Cette narration ne se contente pas de séduire : elle montre aux sponsors pourquoi ces fonctionnalités sont essentielles et fédère l’équipe en ancrant son travail dans une vision produit claire et émotionnelle. L’UX Designer, en structurant le discours autour de scénarios et d’exemples concrets, transforme la Sprint Review en un moment stratégique et inspirant.
Serait-il possible de faire… encore mieux ?
Tout à fait ! Outre le storytelling, l’UX Designer peut enrichir la Sprint Review à plusieurs niveaux :
- Retours utilisateurs concrets : En partageant des témoignages ou verbatims issus des tests, il montre l’impact réel des livraisons et identifie des ajustements nécessaires.
- Visualisation des prochaines étapes : À l’aide de prototypes ou maquettes, il illustre ce qui a été réalisé et anticipe les évolutions à venir, facilitant la compréhension de tous.
- Cohérence globale : Il garantit l’alignement avec le Design System et l’expérience utilisateur globale, en intégrant chaque livraison harmonieusement dans la stratégie produit.
- Métriques UX : En introduisant des indicateurs comme la satisfaction ou le taux de réussite, il permet des évaluations objectives pour guider les décisions.
- Vision utilisateur : Une roadmap centrée sur l’utilisateur montre comment chaque livraison contribue à une expérience globale cohérente et inspirante.
Les leçons à retenir
- La Sprint Review n’est pas une simple démo technique : C’est un espace d’échange et de réflexion collective, où chaque voix, technique ou non, doit être entendue. L’UX Designer peut jouer ici un rôle clé, en orientant la discussion vers l’utilisateur final et en rendant les résultats tangibles grâce à des récits engageants.
- Le changement prend du temps : La transformation des mentalités est un marathon, pas un sprint. L’introduction de pratiques comme le storytelling nécessite de la patience, mais les résultats en valent la peine.
- La facilitation est un art : Un bon Scrum Master sait créer un cadre propice à l’expression de tous. L’UX Designer peut également enrichir cette dynamique en facilitant des discussions centrées sur les besoins des utilisateurs.
- Donner la parole aux développeurs est essentiel : En intégrant pleinement les développeurs à cette cérémonie, en les encourageant à présenter leur travail et en valorisant leurs contributions, la Sprint Review devient un moment d’échange enrichissant et constructif.
- La résistance au changement n’est pas une fatalité : Même les Jean-Luc les plus réticents peuvent être convaincus face à des résultats concrets.